Les origines du village
Les premières traces d’habitat sur le territoire de la commune de Chauconin-Neufmontiers remontent à la période gallo-romaine (du Ier au IVème siècle). En effet lors de la construction de la prison, les fouilles archéologiques effectuées fin 2001 ont mis au jour les restes d’un petit établissement rural datant de cette époque (une cave, des fosses), et plusieurs céramiques, certaines fort belles, ont été retirées.La première mention du nom du village de Chauconin apparaît dans les textes du VIIIème siècle sous la forme « Coconiacum ». L’étymologie est incertaine et le nom pourrait provenir du latin « coquus » (cuisinier).Quant au village de Neufmontiers l’origine provient du mot « monasterium », ou «moustier», c’est-à-dire monastère. Il s’agit d’un « nouveau monastère », créé au 13ème siècle par les abbés de Saint Faron à Meaux, dont il ne reste plus de traces, qui devint Neufmontiers.
Le village au Moyen-Âge
Sur le territoire de la commune actuelle (à 500 m au sud de la route nationale 3 et jouxtant le village de Trilbardou), se trouvait au Moyen-âge le village de Saint Saturnin, aujourd’hui disparu, et comme englouti sous les terres cultivées. Le village une fois disparu, les habitants se sont regroupés dans le village actuel de Chauconin. Quelles furent les étapes de cette évolution ?
En 1135 les chanoines de la cathédrale de Meaux fondent l’abbaye de Châge dans la ville de Meaux et donnent à ce monastère la charge de l’église de Saint-Saturnin, accompagnée de ses revenus sauf en ce qui concerne la dîme que la chapitre conserve. On relève ainsi qu’en 1353 le prieur du village paye 20 sols de dîme. Saint-Saturnin était donc une localité assez considérable, mais qui a été ruinée au cours de la guerre de Cent Ans.
Une première cause de la décadence du village de Saint Saturnin tient à la Jacquerie de 1358, épisode célèbre du l’histoire du pays de Meaux. Cette année-là des bandes de paysans révoltés se formèrent dans le région de Beauvais et ravagèrent le pays jusqu’à Sens ; plusieurs milliers finirent par se faire massacrer dans le département actuel de l’Oise par Charles de Navarre (Charles le Mauvais). Une partie des Jacques se retrouva à Meaux, pilla les environs, puis fit alliance avec les bourgeois de la ville (lesquels étaient soutenus par Etienne Marcel qui, à Paris, était à l’origine d’une révolte semblable contre le pouvoir royal). Mais ils furent finalement vaincus par les nobles, réfugiés dans le quartier fortifié du Marché (parmi ceux-ci se trouvaient la femme et la sœur du futur roi Charles V), les nobles étant secourus par une armée du comte de Foix (Gaston Phébus) et du captal de Buch, Gascon au service des Anglais. Les troubles causés par la Jacquerie intervenaient 10 ans après la Grande Peste de 1348 qui avait fait un nombre considérable de morts (un tiers de la ville de Meaux).
La deuxième cause de la décadence de Saint-Saturnin fut l’occupation anglaise qui dura 19 ans, après que le roi d’Angleterre Henri V fut devenu successeur du roi de France en 1420.
Le 5 octobre 1420 Henri V prend ses quartiers au château de Rutel qui dépendait de Saint-Saturnin. Son corps d’armée occupe Saint-Saturnin. Meaux et sa région restèrent aux mains des Anglais de 1421 à 1439. Aux exactions des soldats s’ajoutèrent celles du bâtard de Vauru, commandant de la place de Meaux, et de son cousin Denis.
Le bâtard de Vauru pendait ses victimes à un arbre appelé « l’orme de Vauru » (voir ci-contre) situé sur le territoire de Chauconin à l’entrée de Meaux. Un jour il attacha un paysan à la queue de son cheval et le ramena ainsi à Meaux, puis lui demanda que sa femme apporte une rançon. L’homme était déjà pendu quand la jeune femme, enceinte, apporta la rançon. Quand elle compris le sort réservé à son mari, elle injuria Vauru, lequel la fit battre à coup de bâton puis la fit pendre à l’orme qui comportait déjà 80 à 100 cadavres. Elle criait tant que la ville de Meaux pouvait l’entendre. Les douleurs la prirent, les loups accoururent et la dévorèrent vivante, elle et son enfant. Cette histoire est rapportée dans une chronique de l’époque, le « Journal d’un bourgeois de Paris ».
Finalement Vauru et son cousin furent livrés aux Anglais lors de la reddition de Meaux. Le 5 mai 1422 le bâtard de Vauru fut traîné dans la ville de Meaux, puis sa tête coupée et son corps pendu à l’orme ; au-dessus de son corps fut placée sa tête au bout d’une lance, au plus haut de l’arbre. Son cousin fut également pendu. On voyait encore au XVIIème siècle l’orme de Vauru, il servait encore aux exécutions et le bourreau y suspendait les suppliciés retirés de la potence. Au cours d’un orage au XVIIIème siècle l’arbre fut frappé par le foudre et brûla.
Disparition du village de Saint Saturnin au 18ème siècle
Après le départ des Anglais, le village de Saint-Saturnin ne fut pas réoccupé par ses habitants et les maisons tombèrent en ruine. L’église continua à être fréquentée, et les morts de Chauconin étaient toujours enterrés à Saint-Saturnin. Le chemin qui conduit de Chauconin à l’emplacement de Saint-Saturnin s’appelle encore aujourd’hui « le chemin des morts ». L’abandon du village est confirmé en septembre 1654 lorsque par lettres patentes, Louis XIV réunit le fief de « La Motte Saint-Saturnin » au domaine de Chauconin. Le curé est désigné comme prieur de la cure de Saint-Saturnin et de Chauconin. A cette date, l’église de Chauconin est déjà construite.
Le lieu ne sera plus désormais habité que par des ermites, ce qui vaudra au chemin de Meaux à Trilbardou de s’appeler « le chemin de l’Ermitage ». Puis l’ermitage par son isolement fut la proie des pillards et des brigands. En 1740 deux ermites furent brûlés vifs par des voleurs, on les retrouva pendus dans l’âtre du foyer. Ils expirèrent à l’Hôtel-Dieu de Meaux. On pouvait encore lire en 1815 sur leur tombe : « Cy gît le corps de Frère Michel Doiville, ermite de Saint-Saturnin lequel après avoir été brûlé par des voleurs est décédé en cette maison le 13 mars 1740 en odeur de sainteté, et Frère Jean, mort le 13 avril suivant ». Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1750 fut encore assassiné le frère Benjamin. On soupçonna à cette époque son compagnon d’ermitage. A la suite de ces crimes l’évêque de Meaux décida la destruction de l’ermitage et de son église.
Les reliques de Saint-Saturnin furent déposées dans la chapelle de l’église de Chauconin où un pèlerinage attirait le 29 novembre de chaque année un grand nombre de fidèles. Le cimetière subsista jusqu’en 1780. (renseignements fournis par M. Jumeau dans « Histoire de Trilbardou, Vignely, Saint-Saturnin » édité en 1984).Une sculpture représentant le buste de la Vierge fut récupérée de Saint-Saturnin pour être installée à l’intérieur de l’église de Chauconin où on peut toujours la voir.
Début du 19ème siècle : le télégraphe Chappe
Le nom » Bois du télégraphe » est dû à l’implantation au nord du village, au sommet de la colline de Montassis, d’une tour du télégraphe Chappe, dans la première moitié du 19ème siècle. Il ne reste malheureusement aucun vestige de cette tour. Pour transmettre les signaux, Chappe inventa une machine composée de 3 bras articulés, fixés sur un mât. La station de Neufmontiers se trouvait sur la ligne Paris-Strasbourg. Cette station était établie sur une tour ronde. Elle a été construite en 1797 et a disparu en 1848. Elle était en relation à l’ouest avec celle de Carnetin et à l’est avec celle de Montceaux. Ce réseau, essentiellement stratégique, servant à transmettre des messages d’ordre politique et militaire, était centré sur Paris ; il ne fut jamais ouvert au public.
Le village en 1900
En 1900 les deux villages de Chauconin et de Neufmontiers, pas encore réunis, se présentent de la façon suivante :
Chauconin (210 habitants)
– 3 auberges, 1 maréchal-ferrant, 1 mécanicien, 1 pépiniériste, 1 râperie (servant à râper les betteraves pour le compte de la sucrerie de Villenoy, village voisin)
– quelques fermes dont la ferme du Pré,
– le château du Martroy appartenant au vicomte Daru, commandant d’artillerie. La famille Daru descend de Pierre Daru (né en 1767 à Montpellier, mort en 1829 à Meulan) qui fut Intendant général de la Grande Armée sous le Premier Empire, homme de lettres (traduction du poète latin Horace, « Histoire de la république de Venise ») et membre de l’Académie Française, nommé comte d’Empire en 1809, cousin et protecteur de Stendhal. (En 1829 le château appartenait au vicomte Camus du Martroy).
– des maisons de campagne (« le Poncelet », « le Puits »). La demeure appelée « le Puits » comporte un atelier d’artiste et fut entre 1913 et 1930 la propriété du publiciste parisien Etienne Chichet. Le maire est M. Bailly en 1900.
Neufmontiers (506 habitants)
– 4 auberges, 2 boucheries, 1 bourrelier, une boulangerie, 2 charrons, 1 cordonnier, 1 maçon, 1 maréchal-ferrant, 2 marchands de paille (confection de clayettes), 1 menuisier, 1 tonnelier
– plusieurs fermes dont la ferme de la Grand’ Cour (plus tard ferme Proffit, devenue la Mairie en 1987), le Couvent (plus tard ferme Hérin), Ozière.
– L’église Saint Barthélémy a été reconstruite en 1857 pour remplacer un ancien édifice du XVIème siècle tombé en ruine. Neufmontiers deviendra Neufmontiers-lès-Meaux par décret du 5 décembre 1908. Le maire est M. Flobert.
La 1ère Guerre mondiale
Le samedi 5 septembre 1914, en début d’après-midi, une troupe de soldats arrive à marche forcée à Villeroy, depuis Vémars situé une trentaine de kilomètres au nord-ouest, d’où elle est partie le matin-même. Il s’agit de la 19è compagnie du 276è régiment de réserve d’infanterie.
Elle est commandée par le capitaine Guérin, un ancien des « bat d’af » âgé de 32 ans et par le lieutenant Charles Péguy, 41 ans, écrivain célèbre bien qu’impécunieux, père de 3 enfants, son épouse étant enceinte d’un quatrième. De 14 à 17 heures les soldats se reposent près du puits Puisieux, à Villeroy (puits qui existe encore). A 17 heures, lors d’un premier bond, les soldats franchissent la route qui sert de limite avec la commune de Chauconin-Neufmontiers et se protègent derrière le talus. A 17 heures 30 a lieu un deuxième bond en avant. Le lieutenant Péguy est debout, une jumelle à la main pour rectifier le tir, il a fait coucher ses hommes, il crie « Tirez, tirez, nom de dieu ». A quelques dizaines de mètres en avant, dissimulés derrière les arbres qui bordent le ru de Rutel, les Allemands eux aussi tirent. L’artillerie allemande est positionnée plus loin sur les hauteurs de Penchard et du Bois du Télégraphe. Le lieutenant Péguy est atteint d’une balle à la tête et tombe foudroyé. Le deuxième lieutenant, Charles de la Cornillère, et le capitaine Guérin, meurent eux aussi. Les trois quart des soldats de la compagnie meurent ou sont blessés.
Le souvenir de Péguy éclipse les actions des autres participants, mais il faut signaler l’action de la brigade marocaine qui, partant d’une position située sur la droite de la compagnie de Péguy, prit d’assaut la colline du Bois du Télégraphe, avant d’être obligée de se replier faute d’appui. Il s’agissait du premier jour de la bataille de Marne, appelée ici bataille de l’Ourcq ; le front allait jusqu’à Bar-le-Duc. Du côté français les troupes engagées ici étaient composées du 5ème corps d’armée du général Lamaze, comprenant les 55è et 56è divisions de réserve et la brigade marocaine. Du côté allemand,la 1ère armée du général von Klück opérait un mouvement pour prendre Paris par le sud ; le 4è corps de réserve sur le front de l’Ourcq (et donc à Chauconin-Neufmontiers) constituait le flanc droit.
Le 6 septembre les troupes allemandes ont quitté la ligne Monthyon-Penchard ; le 10 septembre les Allemands ont reflué au-delà de Reims (grâce notamment aux appuis transportés par les « Taxis de la Marne »), c’est la victoire pour les troupes alliées, françaises et anglaises, victoire de la 1ère bataille de la Marne. Les pertes furent très lourdes : 345 Français, 97 Marocains, 141 Allemands furent enterrés sur le territoire de Neufmontiers.
Un monument, appelé
« Grande Tombe de Villeroy » a été érigé en 1932 près de l’endroit où fut tué Péguy, sur la commune de Chauconin-Neufmontiers ; là sont enterrés 136 combattants.
A la sortie de Neufmontiers sur la route de Penchard se trouve, à l’orée du Bois du Télégraphe,
la tombe de Guy Hugo Derville, capitaine au 2è régiment de tirailleurs marocains, tué à la tête d’une compagnie de Marocains le 5 septembre 1914 à l’âge de 33 ans.On constata quelques dégâts matériels causés par des soldats allemands qui, l’espace de quelques heures, ont occupé le village. Six maisons furent incendiées en face de l’église de Chauconin au moyen de petites torches de résine, de pastilles jetées dans les maisons et de grenades lancées sur les toits. A Neufmontiers c’est la ferme Proffit (actuelle Mairie) qui est pillée et quelques bâtiments sont incendiés.
L’église de Neufmontiers fut transformée en hôpital (ou ambulance) par les Allemands. Lors de la réoccupation du village le 6 septembre au matin, les Marocains firent prisonniers les Allemands qui étaient restés dans l’église : un major, des infirmiers et une vingtaine de blessés. Les autorités françaises aménagèrent d’autres espaces sanitaires dans les habitations du village, de façon à recueillir les blessés qui arrivaient par dizaines. Puis le village reprit sa vie normale.
Depuis 1972
Les 2 villages fusionnent en 1972, après qu’en 1968 le quartier d’Orgemont fut rattaché à la ville de Meaux. La population de Chauconin était alors de 230 habitants, celle de Neufmontiers de 340. La superficie totale de la commune passe à 1739 ha. Jusqu’aux années 60 et 70, l’activité du village reste fondée sur les exploitations agricoles disposant d’un vaste et riche terroir et employant encore une importante main d’œuvre, comme en témoignent les imposants corps de ferme (ferme des Prés, ferme du Château, ferme du Couvent).
De profondes mutations interviennent : la fusion des 2 villages ouvre une nouvelle ère, permet la réalisation d’équipements modernes : assainissement, station d’épuration (1976), puis arrivée du gaz naturel. Des terres agricoles sont vendues, les lotissements prolifèrent : la Croisée, la Chantonne, les Coteaux, le Moulin, les Jardins, la Grand’cour…
La population s’accroît, 1276 en 1984, 1489 en 1990, et 1937 aujourd’hui; elle rajeunit également (environ 30 % de la population a moins de 18 ans). Seules 5 exploitations agricoles subsistent sans offrir d’emploi significatif.
La plupart des habitants ont un mode de vie urbain, pourtant le village, encore classé bourg rural, conserve son aspect champêtre : l’immense majorité du territoire reste et restera agricole. D’importants espaces boisés subsistent et sont protégés (butte de Montassis, parcs de Chauconin du Martroy et du Poncelet), protégé également le fond de vallon du ru de Rutel.
La commune mène une politique active en faveur de l’environnement. Le lotissement des Chaudrons réunit aujourd’hui les 2 villages et permet de réaliser enfin l’unité de la commune.
Les équipements, notamment scolaires et périscolaires, sont à la hauteur des attentes et des besoins de cette population plus jeune et la vie associative est particulièrement riche.
Depuis 2003
La commune est intégrée dans la Communauté d’Agglomération du Pays de Meaux. Si, par principe, elle reste attachée à l’intercommunalité, synonyme théoriquement de solidarité, elle a perdu une partie de son indépendance et la municipalité se bat pour faire valoir les intérêts du village.